Lumeen : la réalité virtuelle au service des personnes âgées (mais pas que !)

Fondée en 2019 par deux frères et un ami ingénieur, Lumeen est à l’origine d’un dispositif de réalité virtuelle thérapeutique destiné aux secteurs sanitaire et médico-social. Une solution qui ne se contente pas d’être un énième gadget techno, mais qui permet bel et bien de lutter contre l’isolement, la dépression, l’anxiété et la douleur en facilitant la réminiscence et la stimulation cognitive, en participant à la prévention et aux soins, en accompagnant ainsi le personnel de santé dans sa démarche.

 

Rencontre et découverte de Lumeen

– avec Corentin Metgy, co-fondateur & Président.

 

Pôle Pixel : Corentin Metgy, pouvez-vous nous présenter votre société ?

 

Corentin Metgy : Lumeen c’est un projet que j’ai monté avec Robin, mon petit frère infirmier et un ami ingénieur Frédéric Cambon. La société existe depuis 2019. Avant de monter Lumeen j’ai passé 4 ans à New York dans une start up française, Sketchfab, la plateforme leader de partage de contenus 3D en ligne. C’est là que j’ai beaucoup appris sur les technologies immersives et la réalité virtuelle. C’est aussi là-bas que j’ai rencontré notre troisième associé, Frédéric, qui est ingénieur et notre développeur informatique.

 

Pôle Pixel : D’où vous est venue l’idée de créer un dispositif de réalité virtuelle thérapeutique à destination des personnes âgées en perte d’autonomie et/ou dépendantes ?

 

C.M. : L’idée m’est venue en faisant le lien entre ma vie professionnelle aux États-Unis et ma vie familiale en France. Mon frère Robin est infirmier et nous avons une grand-mère de 94 ans qui vit en EHPAD. Nous avons tout simplement eu envie d’offrir des moments d’évasion à notre grand-mère au moment des fêtes de Noël en utilisant la réalité virtuelle. En testant ces dispositifs avec elle et les autres résidents de son EHPAD, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait vraiment quelque chose d’intéressant qui se produisait. Les personnes âgées qui ont fait cette expérience en retiraient un sentiment quasi-instantané de bien-être et d’évasion.

Pour le public traditionnel il y a un effet de banalisation au bout de quelques expériences, alors qu’avec les séniors au contraire, nous avons pu constater qu’il y avait une envie de recommencer l’expérience. Nous sommes d’ailleurs présents aujourd’hui sur plus d’une centaine d’établissements et cela marche toujours aussi bien !

 

 

 


Pôle Pixel : Quels types d’expériences proposez-vous à nos aîné.es sur ces dispositifs de réalité virtuelle ?

 

C.M. : Nous nous sommes tout d’abord lancés sur un axe « bien être et divertissement ». Essentiellement à base de vidéos 360, sur les thèmes du voyage, de la nature et de la culture. C’est par exemple une immersion dans les pyramides d’Égypte, aller voir les Aurores Boréales en Alaska, visiter le Japon au printemps avec les cerisiers en fleurs, nager avec une soixantaine de dauphins en liberté au large de la Mer Rouge, se balader avec les kangourous en Australie, etc.

Aujourd’hui nous proposons également du contenu plus local, car nous nous sommes rendu compte que les personnes âgées sont attachées à certains lieux qu’elles ont visités et qu’elles ont envie de revoir. La réalité virtuelle permet de raviver leurs souvenirs.

En plus de ces expériences d’évasion, nous avons élargi notre catalogue avec des programmes à vocation thérapeutique. Nous avons par exemple développé une expérience de relaxation en collaboration avec des experts hypnothérapeutes des Hospices Civils de Lyon. Cette solution permet de lutter contre l’anxiété et la douleur, en combinant des environnements virtuels apaisants avec de la musicothérapie, des exercices de cohérence cardiaque et des inductions basées sur l’hypnose médicale. Au-delà des EHPAD, ces programmes nous ouvrent d’autres marchés, notamment dans le secteur sanitaire.

 

Pôle Pixel : Qu’est-ce qui vous a donné envie de développer votre propre contenu ?

 

C.M. : Le contenu est un élément différenciateur fort. Au début, nous n’avions pas la capacité de produire notre contenu en interne. Nous achetions les droits d’exploitation de contenus existants sur internet que nous retouchions avec notre « touche Lumeen ». En plus de nos contenus de vidéos 360, nous intégrons des éléments de médiation qui vont permettre aux animateurs et soignants de susciter des échanges et du dialogue autour de l’expérience. Nous avons toujours eu le désir de transformer ces expériences en vecteurs sociaux, propices à la rencontre, à la discussion et à l’échange.

 

Enfin nous nous sommes rendu compte que le public vers lequel nous allions était vraiment friand de contenus locaux, qui lui rappellent des souvenirs. De plus, nous avions des opportunités avec le secteur culturel. Ainsi, nous avons décidé de recruter un responsable de production expérimenté pour internaliser la production des contenus.

 

Rendre le patrimoine et la culture accessible au public empêché ?

 

C.M. : Cela rentre également dans notre mission qui est de rendre le patrimoine et la culture accessible au public empêché. Pour cela nous avons commencé à initier des partenariats avec des sites culturels. Récemment nous sommes entrés en partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux avec qui nous allons produire des visites virtuelles des grands monuments français en les rendant accessibles via notre plateforme. C’est une collaboration que nous avions également faite avec l’Atelier des Lumières à Paris.

Récemment, nous venons de réaliser une vidéo du Cirque d’Hiver Bouglione. Aujourd’hui nous avons de plus en plus vocation à produire du contenu culturel de ce type.

 

Pôle Pixel : Peux-tu nous parler de la stratégie de recherche clinique que vous développez avec différents services de santé à Lyon et en France ?

 

C.M. : Lors des premiers pas de Lumeen, nous avions de nombreux retours des soignants sur le terrain qui nous signalaient des vertus thérapeutiques de notre solution auxquelles nous n’avions pas forcément pensées. Nous nous sommes donc penchés sur la littérature scientifique et nous nous sommes rendu compte qu’il existait plus de 30 ans de recherches cliniques qui met en évidence les vertus thérapeutiques de la technologie, dans différents domaines et secteurs. En particulier pour réduire l’anxiété et la douleur (notamment en bloc opératoire), également pour lutter contre les phobies (en exposant progressivement une personne à sa peur pour qu’elle puisse lutter contre en s’y adaptant). Cela nous a incité à développer des programmes thérapeutiques supplémentaires (comme celui de relaxation avec les Hospices Civils de Lyon) et à contribuer à l’avancée de la recherche en évaluant les bienfaits cliniques de nos solutions.

 

Nous avons 4 projets de recherche en cours en collaboration avec les Hospices Civils de Lyon, les Hôpitaux de Paris, l’Université de Paris et le Gérontopôle Ile-de-France. Deux d’entre eux concernent la gériatrie et les autres sont relatifs la réduction de la douleur, de l’anxiété et de la consommation médicamenteuse en chirurgie. D’autres projets de recherches sont en cours de montage…

 

Pôle Pixel : Dans le contexte actuel de la COVID, comment se passe le travail en EHPAD avec le confinement strict que ces établissements connaissent ?

 

C.M. : Nous avons connu une hausse d’activité pendant les confinements. Le besoin d’évasion est d’autant plus important avec la crise sanitaire qui touche particulièrement les personnes fragiles. De plus, les budgets pour l’animation de ces établissement ont été beaucoup plus utilisés pour des solutions numériques à cause des mesures sanitaires d’isolement et de distanciation. Les animateurs externes ne pouvant plus se rendre dans les établissements, les équipes ont dû trouver des solutions innovantes pour organiser elles-mêmes des animations.

Pendant le premier confinement nous avons équipé plus d’une cinquantaine d’établissements dont les trente-cinq EHPAD de la Croix-Rouge française.

 

Pôle Pixel : Comment équipez-vous les établissements confinés ?

 

C.M. : Nous livrons directement les établissements et formons leurs équipes à distance. Cela nous permet de mettre en place des animations sans qu’aucune personne extérieure n’entre dans l’établissement. Proposer des animations variées pour les personnes isolées était très important pendant cette période.

 

Propos recueillis par Maxence Grugier